Chapitre 3

Quel est mon objectif quand je communique ?

Un bon moyen de se sentir mieux dans sa vie est d’assainir son mode de communication avec les autres. Beaucoup de sources de stress naissent des relations interpersonnelles comme on les appelle dans le jargon de la communication.

La première étape concerne de nouveau la prise de conscience. Quel objectif visez-vous lorsque vous agissez ou lorsque vous prenez la parole ? La plupart du temps, cet objectif, comme il n’est pas formulé, n’est pas remonté au niveau de conscience. Il vous faut le faire remonter à la conscience pour pouvoir le maîtriser.

C’est Phil Mc Graw qui évoque le sujet dans son ouvrage Couple, la formule du succès en ces termes : « En décidant d’être heureux plutôt que d’avoir raison à tout prix, vous serez plus ouverts aux efforts de l’autre pour minimiser les hostilités et rétablir un bon niveau d’échange. »

Il a en effet constater que l’un des fléaux au sein des couples résidait dans cette volonté farouche d’avoir raison, de faire entendre raison, de se l’entendre dire alors que si on y réfléchit bien, l’harmonie relationnelle est bien plus importante pour nous que d’avoir raison.

Ce qui est vrai pour un couple est également vrai pour tout type de relations, que ce soit entre collègues, entre membres d’une même famille.

Quand je prends mon téléphone pour appeler mon conjoint, ma sœur, mon collègue, quel est mon objectif ? Est-ce que j’ai quelque chose à lui demander, est-ce que j’ai envie de savoir s’il/elle va bien, est-ce que j’ai envie de vider mon sac parce que je n’ai pas apprécié sa manière d’agir ?

Ne soyez pas étonné d’obtenir un accueil désagréable et de rentrer dans un conflit ouvert si votre objectif (non formulé) est uniquement de déverser vos poubelles dans l’oreille de l’autre.

La plupart du temps, le bureau des managers se transforme en bureau des plaintes. Si vous décidiez d’aller voir votre chef en ayant déjà réfléchi à une solution plutôt que de débarquer uniquement en disant « il y a un problème » : vous vous rendrez vite compte que vous obtenez beaucoup plus rapidement une solution à votre problème.

La majeure partie du temps, lorsque vous exposez votre problème, vous n’avez pas réfléchi à l’objectif de votre prise de parole. Si vous n’avez pas pour objectif de trouver une solution ne soyez pas étonnés que personne ne vous en propose une ! C’est exactement comme sur une barque, si on rame mais qu’on n’a pas réfléchi à l’endroit où on voulait aller, on ne va faire que ramer ramer ramer.

illustration Fanny Chassagne

illustration Fanny Chassagne

Les exemples les plus frappants sont au sein des relations les plus intimes, en couple ou avec nos enfants. Phil Mac Graw toujours dans son livre Couple, la formule du succès évoque une relation entre un père et son fils qui montre bien la nécessité de prendre conscience de l’objectif que l’on poursuit dans une relation et surtout de s’interroger sur la pertinence de cet objectif. Est-ce que je suis le bon cap ? Celui qui va m’apporter sérénité et bien-être ?

Voici l’histoire que relate Mac Graw dans son livre  : « Ils m’ont beaucoup appris sur les faux-semblants d’un comportement correct . J.B. était major sur une base militaire locale de l’armée de l’air et était d’un caractère à peu près aussi flexible qu’une pile de pont en granit. Son fils de 16 ans, Darren, en était l’antithèse absolue. Il portait les cheveux longs, des vêtements amples et arborait une attitude des plus décontractées.

illustration Fanny Chassagne

illustration Fanny Chassagne

J.B. voulait que son fils se coupe les cheveux, porte des vêtements corrects et se comporte « bien ». Selon J.B., tant qu’il vivait sous son toit, mangeait à sa table, dépensait son argent, Darren était tenu de se conformer à ce qu’il lui disait de faire. J.B. avait raison. Selon nos coutumes et les lois de la société, il avait effectivement le droit d’exiger un certain comportement de son fils. Mais ce qui était correct aux yeux de J.B. ne fonctionnait pas pour Darren. Il ne se sentait donc pas un bon père et Darren n’était pas satisfait non plus. Tous deux mettaient en péril leur relation à cause d’une guerre de pouvoir.
J’aimerais pouvoir vous dire que j’ai eu là l’occasion d’accomplir un merveilleux travail de thérapie et que toute cette histoire s’est bien terminée. Mais environ deux semaines après une première rencontre avec J.B., Darren devait disputer un match de basket-ball –sport dans lequel il excellait depuis son plus jeune âge. Dans le dernier quart de jeu de cette partie extrêmement serrée, Darren, le meilleur pointeur de son équipe, était en train d’opérer une remontée effrénée vers le panier adverse quand il parut soudain trébucher et s’effondra inexplicablement, face contre sol. Une autopsie révéla qu’il était mort avant même d’avoir touché le sol. Elle révéla aussi que Darren souffrait d’une affection cardiaque congénitale qui n’avait jamais été diagnostiquée. Lors des funérailles, son père refusa qu’on lui coupe les cheveux ou qu’on lui fasse porter un costume. Le jeune homme fut enterré avec ses cheveux longs et ses vêtements amples.
J.B. ne se rend pas désespérément responsable de la mort de son fils. Mais je peux vous dire, pour avoir parlé fréquemment avec lui depuis cet événement, qu’il regrette tout ce temps et ce bonheur gâchés par son désir obsessionnel d’avoir raison. Ils auraient pu être heureux ensemble quelque temps, mais J.B. devait avoir raison. Je me demande s’il s’en soucierait aujourd’hui si Darren lui revenait.

Pensez à toutes les circonstances et les situations dans lesquelles vous vous êtes attachés à avoir raison plutôt qu’à être heureux. Qu’il s’agisse de la meilleure stratégie pour éduquer les enfants, de comment dépenser l’argent ou de gérer un parent récalcitrant, soyez résolus à adopter cette nouvelle valeur dans votre comportement. Faites ce qui marche et amène des résultats au lieu de camper sur votre certitude d’avoir raison. En n’assimilant pas ce principe, vous gagnerez beaucoup de batailles mais vous perdrez la guerre. Soyons sérieux un instant : que vous soyez un homme ou une femme, n’allez pas croire que vous fassiez du bien à votre couple en réduisant votre partenaire à la soumission. Souvenez-vous des moments de votre vie où vous étiez humilié. Pensiez-vous vraiment que vous alliez apprendre quelque chose de cette humiliation ? Non, bien sûr. Vous vous sentiez probablement amers et plein de ressentiment et – même pire. Ne pensez pas que cela soit différent lorsque c’est vous qui paraissez mener l’échange. Plus vous luttez pour gagner, plus gros vous perdez. (…)
Ce qui doit compter pour vous, en définitive, c’est de vous rendre heureux, vous et votre partenaire, en privilégiant ce qui marche et en laissant tomber votre obsession d’avoir raison à tout prix. »

Cette histoire m’a marquée de manière définitive le jour où je l’ai lue, il y a plusieurs années. Pas par son côté dramatique mais parce que depuis lors, je m’évertue à me poser la question, chaque fois que je prends la parole, « qu’est-ce que je cherche à faire passer comme message ? Quel est l’objectif le plus important pour moi ici ? ».

Bien entendu, il ne s’agit pas de céder à tout ce que dit son partenaire ou la personne en face de soi. Il n’est pas question de ne plus avoir de point de vue. Si le discours de l’autre va à l’encontre du respect de vos valeurs (chapitre 1), faites entendre votre point de vue. Interrogez-vous simplement sur ce qui est le plus important pour vous dans la conversation : avoir raison ou passer un bon moment? Souvent vous réaliserez que vous avez perdu le fil et que vous ne poursuivez plus qu’un but : avoir raison à tout prix !

Parfois lors de mes formations, les participants me demandent si ce n’est pas fatiguant de faire constamment attention à ce que l’on dit, si on ne se dénature pas à faire attention « constamment ».
Je leur explique que c’est exactement comme l’apprentissage d’une langue étrangère. Au début, en effet, on traduit tout dans sa tête et c’est un peu fatiguant. Petit à petit, on devient bilingue. Cela ne veut pas dire que l’on va parler constamment l’autre langue. En revanche, on a le choix. On peut choisir de parler notre langue ou la nouvelle langue apprise.
C’est exactement la même chose que de se poser la question de notre objectif de communication. On ne va effectivement pas se demander à chaque instant ce que l’on souhaite dire. Uniquement lorsque c’est nécessaire.

A VOUS D’AGIR :

*Avant chaque prise de parole, demandez-vous quel objectif vous poursuivez.
Evertuez-vous aussi souvent que possible à le noter sur une feuille de papier. Poser des mots dessus permet à votre but de remonter au niveau de votre conscience.

*Efforcez-vous de ne poursuivre que des objectifs qui vous mènent à votre but ultime : vivre une vie plus sereine et plus agréable.