Je me décide à parler un peu de mes retraites de méditation parce qu'elles sont souvent sujet à de nombreux fantasmes. Du genre "c'est une secte", "c'est horrible ton truc où on t'interdit de parler", "le truc où vous ne mangez que du pain sec", "t'es comme en prison, c'est le bagne, non merci, pas pour moi"…

Pour commencer une petite explication qui vient du site vipassana et que je trouve assez claire : "Vipassana est l’une des techniques de méditation les plus anciennes de l’Inde. Perdue pendant longtemps pour l’humanité, elle fut redécouverte il y a plus de 2 500 ans par Gautama le Bouddha. Vipassana veut dire « voir les choses telles qu’elles sont en réalité » : c’est le processus d’auto-purification par l’observation de soi. On commence par observer la respiration normale et naturelle afin de concentrer l’esprit. Une fois l’attention aiguisée, on procède à l’observation de la nature changeante du corps et de l’esprit, faisant ainsi l’expérience des vérités universelles de l’impermanence, de la souffrance et du non-soi. C’est cette prise de conscience par expérience directe qui constitue le travail de purification. Le chemin dans son ensemble (Dhamma) est un remède universel à des problèmes universels et il ne s'apparente en aucune façon à une religion établie ou à une secte. Donc, il peut être pratiqué librement, sans distinction de race, de milieu ou de religion, partout et à tout moment, et il se révélera également salutaire pour tous. "

Concrètement, comment se passe un cours Vipassana ? Il y a des centres un peu partout dans le monde. Moi, je vais dans celui de Genk en Belgique. Le centre est clos une fois que le cours démarre. Ce n'est pas pour nous enfermer comme dans une prison. C'est uniquement pour nous mettre un cadre et nous permettre de faire un voyage dans notre propre intériorité. Eviter toutes les sollicitations extérieures permet d'être plus centré sur soi pendant l'apprentissage.

Oui on se lève super tôt : réveil à 4h du matin pour la première méditation à 4h30. Moi, j'adore. Passé le premier réveil avec les yeux collés, c'est vraiment quelque chose de spécial que je ne vis nulle part ailleurs. La lumière du petit matin, le calme de la nuit : j'adore traverser le centre pour aller jusqu'au hall de méditation à 4h du matin. Bon : je vous rassure, je n'ai jamais réussi à me décider à mettre mon réveil à 4h dans la "vraie" vie. Planning de la journée, grosso modo, on médite de 4h30 du matin à 21h. Alors ce n'est pas non-stop, il y a bien entendu du temps pour manger, pour faire des siestes si on en a besoin, pour marcher un peu. On n'est pas lâché comme ça sur son coussin dans le hall de méditation. Les plages de méditation sont guidées pour nous apprendre la technique. Moi, je ne sais pas comment j'aurais appris à méditer sans le cours vipassana. Il y a tout un tas de techniques de méditation qui existent. Vipassana en est une. Je pense que sans ces cours, je me serais assise et j'aurais pensé, assise sur un coussin, au calme. C'est ça qui a été une véritable révélation pour moi. J'ai appris à méditer. Et pas seulement.

Et les repas ? Il y a aussi de nombreuses rumeurs qui courent sur le fait qu'on ne se nourrit pas. Bien-sur que si. On nous offre une nourriture végétarienne. Un super petit déj. le matin et un repas le midi. A 17h, les nouveaux étudiants reçoivent des fruits. Il n'y a en effet pas de repas du soir mais on s'y habitue vite. De toute façon, je me dis après chaque retraite que je mange beaucoup trop chez moi et que mon corps n'a pas besoin de tout cet apport en nourriture que je lui donne. Les anciens étudiants ne boivent que de la tisane à 17h. L'esprit est plus alerte quand le corps n'a pas à digérer un lourd repas donc on comprend très bien la logique quand on évolue au fil des cours que l'on peut suivre. Ca aide à méditer de ne pas avoir une nourriture trop riche.

Pourquoi une retraite silencieuse ? Une fois le cours démarré, on ne peut pas communiquer avec les autres élèves. Le partage d'expérience nourrirait bien trop notre mental et constituerait un obstacle à l'apprentissage de la technique. Bien des fois pendant mes retraites, le dernier jour, celui où on peut parler avec les autres élèves, je me suis dit "heureusement qu'on ne pouvait pas se parler" parce que je n'aurais pas été en mesure d'accueillir ce que mes voisines de chambre auraient eu à me dire. Cela m'aurait trop polluer : ça m'aurait ajouté des questions que je n'avais pas. La difficulté effectivement lors du premier cours, c'est que -pour ma part et comme beaucoup je crois- j'ai souffert physiquement, souffert d'être assise toute la journée sur mon coussin de méditation sans pouvoir trouver la bonne posture. Et j'étais là, à me tortiller, en regardant d'un oeil à demi-ouvert mes voisines dans le hall de méditation. J'avais l'impression que j'étais la seule à souffrir le martyr comme ça, que j'allais faire une thrombose, qu'on allait m'emmener sur une chaise roulante à l'hôpital et que toutes les autres avaient l'air tellement bien…J'ai découvert par la suite que toutes en avaient aussi bavé et que j'aurais dû aller parler à l'enseignante pour partager ma difficulté, j'aurais été rassurée.

Pourquoi "s'infliger" ça ? C'est vrai que j'ai trouvé le premier cours super dur. Physiquement, j'ai eu mal. C'est drôle (enfin je me comprends) de constater que lors de mon 2ème cours, je ne m'étais pas entraînée physiquement même si j'avais médité un peu tous les jours, je n'étais pas "prête" à m'asseoir aussi longtemps sur une même journée et pourtant je n'ai pas du tout eu les douleurs du premier vipassana. Mon corps semblait lutter pour ce premier round. J'ai fait deux retraites pendant ma grossesse et je n'ai pas eu de douleurs physiques, c'est bien la preuve pour moi que lors de ma première session, mon corps bataillait.
Mentalement, ça peut aussi être dur. Se retrouver face à soi. Certaines retraites sont plus agitées que d'autres. Aucune retraite ne se ressemble. Vous pourrez en faire 10, vous ne passerez jamais par les mêmes émotions, les mêmes sensations. C'est ça qui est formidable. Je me souviens lors de ma 3ème ou 4ème retraite, j'avais l'impression d'être saoulée par mes pensées, que mon blabla intérieur me polluait tellement, j'avais envie de me taper la tête contre les murs. Je suis allée voir l'enseignante pour lui expliquer. Je lui disais "je ne comprends pas, j'ai fait plusieurs retraites déjà, ça devrait être de plus en plus facile". Elle m'avait regardé avec un grand sourire, plein de bienveillance et m'avait répondu "bravo, tu as tellement avancé. Tu n'as pas plus de pensées, tu es plus alerte, plus consciente".
Ce n'est que maintenant, après plusieurs retraites à mon actif et une pratique de la méditation quotidienne -enfin, plus depuis l'arrivée de mon petit troll : je me confesse, je dois encore trouver mes nouveaux repères- que je réalise à quel point ça m'aide dans ma vie de tous les jours.
Je ne rumine plus des pensées polluantes. L'autre soir, après une dispute, je suis allée m'isoler, j'avais envie de pleurer, de me morfondre…et je n'arrivais pas à trouver de quoi alimenter mes pensées négatives. Je n'y parvenais juste plus.
Le soir, pendant le cours, il y a des discours donnés par S.N. Goenka sur la philosophie de vie vipassana. Tout ça est d'une richesse folle. Tout cela peut nourrir votre chemin spirituel avant même que vous ayez décidé d'en emprunter un.

Le temps peut paraître long pendant certaines retraites. C'est aussi un bel apprentissage. On passe notre temps à courir dans nos sociétés contemporaines. Réapprendre à envisager le temps sous un autre angle a été une leçon pour moi extrêmement importante.

Combien ça coûte ? Les cours Vipassana sont totalement gratuits. Vous êtes nourris, logés et on vous enseigne la technique de méditation pendant 10 jours. Vous pouvez à l'issue du cours faire un don.
La gratuité est devenue tellement rare de nos jours qu'elle fait peur. Quand on explique que tout cela n'est soutenu que grâce aux dons faits par les élèves des cours, c'est louche. C'est forcément une secte dont les disciples paient le gourou à vie. Il n'y a rien de louche là-dedans. Dans un premier temps, ils faisaient payer le gîte et le couvert mais alors, cela donnait lieu à des exigences puisque les élèves se disaient : "j'ai payé, j'en veux pour mon argent".
Le principe -selon moi, encore une fois, ici, je ne parle que de ma vision de tout ça, cela n'engage que moi- est de vivre pendant 10 jours comme un moine, c'est-à-dire, délivré des préoccupations "matérielles" afin d'avoir l'esprit disponible pour apprendre cette technique de méditation. Un moine bouddhiste mendie sa nourriture et se contente donc de manger ce qu'il reçoit et d'éprouver de la gratitude pour cela. C'est un peu dans cet état d'esprit que le cours Vipassana fonctionne. A la fin des 10 jours de cours, si vous avez jugé le cours bénéfique et que vous souhaitez que d'autres puissent le suivre, vous pouvez alors faire un don. Un don à la hauteur de vos moyens. Il n'y a rien d'obligatoire et personne ne viendra vous harceler ensuite (comme je l'ai entendu) pour que vous fassiez un virement ! Les personnes qui préparent les repas sont des élèves -comme vous et moi-qui ont choisi pour ce cours-là de servir les autres. Encore une fois, aucune obligation. C'est une spirale positive qui fait que vous avez envie de partager ce que vous avez appris.

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