Un beau jour, il y a bien longtemps, à l’heure la plus chaud de la journée, celle où la lande se tait sous le poids de la chaleur, le silence fut rompu par les pleurs d’une jeune fille. A bout de forces, elle s’arrêta à l’ombre d’un vieil arbre. Après un long moment, ses sanglots s’étant calmés, épuisée par son chagrin, elle s’adressa au vieil arbre comme dans un songe. – Pourquoi es-tu toujours aussi serein vieil arbre ? Il semble que tu ne connaisses point le malheur. Alors, à sa très grande surprise, le vieil arbre prit une grande inspiration et, d’une voix calme et posée, il lui répondit :
– Si je m’étais désespéré de ne pouvoir bouger, en pensant que la terre est plus riche sur l’autre versant de la colline;
Si j’avais pesté contre le temps, en pensant que l’air était plus vivifiant le jour d’avant ou en espérant qu’il soit plus agréable le jour d’après;
Si j’avais regretté la branche que j’ai perdue en pensant qu’elle m’était indispensable;
Si je m’étais rongé en pensant que jamais je ne serais à nouveau le jeune arbre vigoureux que j’ai été;
Si je m’étais rendu malade parce que l’arbre d’à côté me fait de l’ombre;
Si je m’étais angoissé enfin, chaque jour en pensant que demain, peut-être une tempête me terrasserait;
Alors, sans doute, ne serais-je plus là pour te répondre aujourd’hui.
(…)
Extrait de « Contes et chemins d’éveil »de Jérôme Marcoux